Géraldine Py (France, 1986) et Roberto Verde (Italie, 1981) est un couple d’artistes inspirés par les grandes et petites curiosités de notre existence. L’intermittence et l’instabilité des choses sont rendues visibles sous forme d’expériences. Science et empirisme côtoient l’absurdité du monde. Dès lors, ils nous convient à une lecture humoristique et poétique de la réalité, là où la sculpture est pensée «comme un paquet suspect».
L’exploration des incidences, liées à une légère modification du paysage, formule un univers peuplé d’étrangetés. Les pièces, hétéroclites,installations, vidéos, photographie, captent l’attention du spectateur sur des curiosités. L’humour compte parmi les déclics qui libèrent l’imagination, là où Le traffic des cailloux ne véhicule aucun caillou. Le mimétisme est souvent de l’ordre de la parodie et de la dérision, ici simplement en conservant l’intentionnalité pour mieux en effacer l’acte. L’absurdité transporte le travail du chantier vers les voies de l’inutile.
La part d’improbabilité dans la suspension d’une corde à linge à l’extrémité d’une grue sur un chantier de Bruxelles (Contruction abusive), face à la Tour du Midi, décale le rapport au paysage dans un contexte méditerranéen. L’action minime prend une ampleur considérable et sécrète sa propre histoire. En partie narratives, les oeuvres de Géraldine Py & Roberto Verde tiennent par ailleurs de la science ses rouages magiques qui prédisposent à la fascination.
Objets, matériaux et machines adoptent des caractéristiques humaines ou animales et révèlent ses complexités. Fils de bave expose sous vitrine de petits objets récoltés dans l’atelier et reliés par des fils de salive. Le lien organique créé entre ces éléments statiques (ampoules, bouchons, vis…) confère une identité créatrice à ces bouts inanimés. Quant aux Touffes animées, elles éveillent une nature animale à de simples agrégats métalliques. Gracieuses, fragiles, elles portent en elles chacune leurs spécificités inhérentes à la qualité des matériaux choisis.
L’idée du déchet d’atelier et de son recyclage est omniprésente : les objets de Fils de bave traînaient dans l’atelier, la vitrine est là pour les transfigurer. Les résidus de la fabrication de cette dernière ont servi à réaliser Les touffes. Le traffic des cailloux est filmé dans la partie de la carrière qui transforme les pierres non utilisables en granulat. Réemployé, détourné, le déchet explore les frontières entre le réel et l’imaginaire.
Les associations d’objets, d’éléments corporels, de machineries de plusieurs sortes recompose un imaginaire du paysage. Le chantier, la rue, la carrière de pierre sont autant de champs d’actions possibles et d’expérimentation du visible. Le rapport expectatif et expérimental au quotidien dans la pratique de Géraldine Py & Roberto Verde nourrit une poétique de l’absurde et du burlesque. Proches des Temps modernes de Charlie Chaplin et de Fitzcarraldo de Werner Herzog, ils adoptent à leur façon une mécanique du cinéma du défi.
Richard Neyroud, 2011